Le prieuré St Georges
Occupé jusqu’à la Révolution par des chanoines, ce petit Prieuré abrité derrière l’église, a un charme simple, discret et paisible. La première partie est construite au XVe siècle dans le style angevin qui vient s’accoler sur une tour modifiée datant du XIIe, la deuxième partie construite au XVIe, puis une troisième fin XIXe et la quatrième au XXIe. Une première datation peut être effectuée en partie, grâce à des écrits vers 1105 car on sait alors qu’un prieur de St Georges perçoit une dîme prélevée. Ce prélèvement sera effectif jusqu’en 1774. D’autre part les relevés des biens et revenus ecclésiastiques (pouillés) nous apprennent qu’un archevêque de Bordeaux Bertrand Le Got l’a visité en 1304 (prêches, confirmations et tonsures).
Le contexte de l’an mil à la fin du moyen âge
Il ne faut pas non plus oublier que des témoignages du XV° siècle sont très présents dans Vivonne : en 1489, presque la moitié de l’habitat est concentré sur l’axe de la Grand Rue et de la basse Rue, de la porte du palais au couvent des Carmes et du carrefour des Forges à la levée de la Vonne.
Sur la Grand Rue aujourd’hui, des maisons possèdent encore soit une porte soit une fenêtre de style gothique flamboyant, ainsi qu’une fenêtre en accolade de la même époque. Une autre maison dans cette même rue (angle avec une venelle) est flanquée d’une tour avec escalier à vis*Sur la Grand Rue aujourd’hui, des maisons possèdent encore soit une porte soit une fenêtre de style gothique flamboyant, ainsi qu’une fenêtre en accolade de la même époque. Une autre maison dans cette même rue (angle avec une venelle) est flanquée d’une tour avec escalier à vis*. D’une autre manière dans le centre bourg, l’édifice de l’église St Georges reste la grande référence de cette période de l’histoire vivonnoise. Si on perçoit l’influence romane, dans son portail avec son arc brisé, à voussures, et ses chapiteaux à feuillage, une 2° phase de construction située au XIIIe siècle, a précédé la construction du clocher au XIV° et XV° siècle et la réfection des croisées d’ogives de la nef au XV°. De source sûre on sait que dès le XI° et XII° siècle cet édifice a été légué par ses propriétaires Hervé et Pierre Fort qui en ont fait don par charte aux moines de l’abbaye de St Cyprien à Poitiers, consacrant ainsi la paroisse de St Georges comme la plus importante à Vivonne, par sa perception de la dîme.
Un prieuré dans l’ombre de l’église St Georges
C’est dans ce contexte historique que le prieuré qui est situé à quelques mètres du chevet de l’église doit être observé. La propriétaire se défend d’être dans la certitude quant à l’histoire de son logis.
Elle ne se laisse pas aller à n’importe quelle interprétation.
Tourelle et fenêtre
Le premier pas est dédié à la tourelle du XV° style angevin. On sait que fenêtre et tourelle du XV°, avec escalier à vis, sont inscrites à l’inventaire des monuments historiques depuis 1935. C’est cette partie de la maison confie-t-elle qui a particulièrement fait l’objet de ses recherches: « cette porte de style gothique, est une porte à linteau en anse de panier avec jambages moulurés terminés par leurs bases en forme de prismes…sur le linteau continue-t-elle, le blason aujourd’hui effacé est encadré de feuilles de houx ». Et elle rajoute : « et n’oubliez pas que le houx symbolise la persistance de la vie, et ses épines la protection mais aussi la stabilité et la durée » très utilisé au demeurant comme porte-bonheur sur les portes des maisons au moyen-âge.…de quoi souhaiter habiter ici ad vitam aeternam…Vu la proximité de l’église la question est posée de savoir si l’épisode de St Georges est omniprésent ? « Oui, car au-dessus de la porte, trône une fenêtre ouvragée qui comporte un ouvrant, un linteau à arbalète, et une banquette sculptée qui laisse apparaître encore aujourd’hui de part et d’autre St Georges et le dragon, avec un décor central composé essentiellement par une guirlande de feuilles d’achante ». Et là si elle rencontre votre regard incrédule, la propriétaire persiste et signe: « les feuilles d’achante restent le symbole repris au Moyen-âge, qui indique les épreuves de la vie et de la mort ». On voit ici qu’on nage en plein symbolisme qui traduit simplement le sentiment collectif au moyen-âge de l’attitude de l’homme devant la mort sans qu’elle n’apparaisse comme un scandale, et sans que vie et au-delà ne soient obligatoirement dissociés. En effet entre le 5e et le 18e siècle, on peut parler d’une « mort apprivoisée » avec la persistance d’une attitude presque inchangée devant la mort, qui traduisait une résignation naïve et spontanée au destin et à la nature. Cette mort apprivoisée coïncide avec le rapprochement des vivants et des morts quand les cimetières s’installent à proximité des villes et des campagnes et surtout près des églises dans la chrétienté latine.
Une volonté de sauvegarde tenace
« Nous avons fait beaucoup pour que ce prieuré garde sa nature première, avec les moyens que nous avons pu dépenser à cet effet ». A l’origine, la tour est placée contre la façade de l’édifice ; ce qui a permis d’aménager l’escalier à vis tournant en spirale, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, autour d’un noyau de pierre qui soutient toutes les marches. « En réalité cette tour a été tronquée pendant plus de 200 ans. Elle a été restaurée à l’identique en 1998, le maître d’œuvre en a été l’architecte en chef des monuments historiques Michel Dolfus ».
Cette réalisation a nécessité l’intervention des compagnons du devoir, avec une charpente en bois de cœur de chêne chevillé et des fermes hautes. En fait, on apprendra plus tard que débutée sans doute au XV° siècle sur des fondations datant du XII°, la deuxième partie de la construction date du XVI° avec l’épaisseur des murs et la charpente à fermes basses qui autorisent cette précision. La troisième partie date plus du XIX° siècle avec une construction plus légère, une petite cheminée en marbre rouge du Languedoc, et une charpente plus traditionnelle datant de cette époque. Enfin, dernière étape de la rénovation, le XXI° siècle avec le souci de la continuité du style antérieur en accord avec les architectes, sur le choix des matériaux et des ouvertures. Petite contribution à l’agencement ajoutée par notre guide : la porte actuelle de cette tourelle est située au sud. Mais initialement elle avait été installée au nord puis murée, remplacée par une fenêtre.
L’homme vert de la tour
L’intérieur de la tour, au départ de l’escalier, recèle une sculpture installée sur l’angle du mur, qui ne peut qu’exciter sa curiosité.
Marquée par son origine culturelle celte où l’homme est multiple, et échappe à un monde monothéiste, il s’agit d’un « homme vert » ignoré jusqu’ici par les livres qui ont trait à l’histoire de Vivonne. L’architecture romane et gothique a fourni un support parfait pour l’intrusion et l’insertion de nombreuses fioritures, feuillages, palmes, plantes et rinceaux tout droits issus de l’Islam aux frontières de l’art roman.
Au XIII° siècle, le style français du masque feuillu commence à se répandre en France ; même s’il reste prépondérant en Angleterre. Il suffit de rappeler que la cathédrale de Chartres concentre pas moins de 70 hommes verts dans leur diversité, soit sous forme de masques de feuilles ou de « dégorgeoirs » de végétation. Ici il s’agit d’une tête « régurgitant », dont le feuillage sort par la bouche ». Il est vrai que les bourgeons peuvent symboliser les connaissances acquises et le renouveau de la nature. De plus, ici nous sommes en présence de feuilles d’amandiers et de ses bourgeons, avec leur origine méditerranéenne ; et de surcroît la tête a des yeux en amande… ». Effectivement ses feuilles sortent de la bouche du personnage, et peuvent symboliser la parole, au sens de la transmission orale, de l’intelligence par le langage.
Philippe Meunier