Le pigeonnier du Treuil
(d’après les recherches et les travaux des élèves de 6° du collège Joliot Curie de Vivonne en 2001-2002)
Construit en 1660, acheté par la commune de Vivonne ce pigeonnier, situé route de Marçay, est restauré en 2001. Cette construction révèle un droit seigneurial : le droit de fuie (droit d’élever des pigeons pour leur chair mais aussi pour l’exploitation de leur fiente comme engrais). Il est à rapprocher avec les autres droits seigneuriaux comme le droit de garenne ou de connil (élevage de lapin).
Des tours de pierre
Ces tours de pierre appelées pigeonnier, colombier ou fuie, témoignent de la société française sous l’ancien régime, avant la révolution de 1789.
En effet, la possession de pigeonnier faisait partie des privilèges réservés à la noblesse.
De la sorte, cette tour construite à proximité de la demeure seigneuriale montrait avec ostentation la richesse de son propriétaire et son rang social. Elle contribuait à son prestige par un souci esthétique très présent dans l’architecture du bâtiment.
Cette fuie dépendait de l’hôtel noble du Treuil, tout proche (la ferme actuelle en face) qui relevait de la seigneurie de Vivonne. Un aveu passé par Jamet Gervain, échevin de Poitiers et «noble home, sieur de Vernouillet, du Treuil pour son hôtel du Treuil » en date du 23 décembre 1480 à Marguerite d’Amboise, veuve de gens de Rochechouart, seigneur de Mortemart et de Vivonne, mentionne ce droit de fuie. Cette petite seigneurie s’étendait principalement sur la partie nord de la paroisse de Vivonne.
De plus, elle lui permettait aussi de disposer de réserves de nourriture pour recevoir avec faste lorsqu’il venait à la belle saison en sa demeure campagnarde. Ainsi le pigeonnier comme la garenne (bois où on élevait des lapins), et l’étang aussi situé près de la demeure constituaient des garde-manger surveillés par les gardes seigneuriaux.
Une source de revenus
Le pigeonnier était aussi une source de revenus importants. Tout au long de l’année, il fournissait deux productions: d’abord les pigeonneaux vendus sur les marchés, en particulier pour l’alimentation des malades et ensuite la colombine ou engrais formé par la fiente de pigeon un produit très recherché et très cher à une époque où il y avait peu d’élevage.
Par conséquent, tout le bâtiment est conçu pour assurer un élevage aussi intensif que possible: l’intérieur abrite, du haut en bas des rangées superposées de trous ou boulins, destinés à servir de nids. Leur nombre est très important ainsi dans ce pigeonnier on compte 1336 boulins ce qui représente plus de 2600 oiseaux. Une échelle tournante permettait d’accéder à tous les nids. L’extérieur comprend une corniche destinée à empêcher les prédateurs (rats, belettes…) d’accéder aux lucarnes et à permettre aux pigeons de se poser. Les trois lucarnes étaient ouvertes le matin pour laisser les pigeons aller se nourrir dans les champs. Ils picoraient ainsi les céréales, des semences du printemps à celles d’automne, contribuant à la faiblesse des rendements.
On imagine les dégâts occasionnés par ces milliers de pigeons, d’autant plus que les seigneuries étaient nombreuses, souvent plusieurs par paroisse, et chacune avait son pigeonnier. Cela diminuait la production des blés nécessaires à la fabrication du pain, base de l’alimentation des campagnes. Suivant les plaintes des Cahiers de Doléances, dans le cadre de la suppression des privilèges, un décret d’août 1789 demande aux propriétaires de laisser les pigeons enfermés et surtout donne le droit de chasse aux paysans, ce qui entraîne un abandon de ces immenses pigeonniers. Aujourd’hui, ces tours ont une fonction de mémoire en rappelant une puissance disparue au profit des valeurs d’égalité et de liberté.