Août 1944: la résistance

Août 1944: la résistance

La retraite allemande

Dans ce mois d’août les événements se précipitent. Presque journellement nous vivrons un fait divers lié à cette guerre dont nous commençons à percevoir la fin. Le dimanche 13, je crois, je me trouvais avec des camarades, dans un jardin des ponts de la Levée au bord du Clain, lorsque vers 17 heures un avion anglais passe encore sur la ligne de chemin de fer, mais, malheureusement, depuis quelques jours une batterie antiaérienne allemande est installée à Fontrable en face de la gare et la visibilité pour elle est bonne. Aussi dès le passage de l’avion qui vole à basse altitude les grosses mitrailleuses entrent en action et touchent leur cible qui va s’abattre sur la route qui relie la R.N. 10 à la Planche. Les deux aviateurs sont morts et ils sont enterrés au cimetière de Jorigny où, malgré la présence ennemie, on fleurira constamment leurs tombes.

Le mardi 15, toujours de ce jardin, nous entendions les tirs de mitrailleuses des combats qui opposaient les maquis venus libérés les Sénégalais prisonniers et détenus au haras de Champagné Saint-Hilaire. La remontée des troupes allemandes ne se ralentit pas. Tous les jours elles passent en grand nombre et chaque soir des groupes importants de soldats stationnent à Vivonne. Un après-midi nous avons vu dans la grand-rue un contingent de soldats portant l’uniforme allemand mais sans armes ainsi (lue leurs officiers, des • officiers Allemands en armes les encadraient. Ils les firent tous alignés le long de la rue en rang par quatre. Leur alignement s’étendait des halles au bas de la rue (carrefour de la mairie et de la rue- de la gare), ce qui représentait environ l’effectif de 3 à 4 compagnies.

La retraite

Nous avons pu savoir par notre voisin; monsieur Gautreau qui parlait un peu allemand et qui avait échangé quelques mots avec eux qu’il s’agissait de soldats Roumains. Les Allemands les avaient désarmés par peur de leur réaction au cours des attaques menées par les maquis harcelant les troupes. Cet élément de soldats Roumains est reparti à pieds en direction de Poitiers. Des Vivonnois en relation avec le maquis l’ont averti de ce passage. Que sont devenus ces hommes? Ont-ils été récupérés par les maquisards?

Chaque jour nous voyons des troupes différentes, parfois bien organisées, mais en cette journée du 25 août, arrivent, depuis le matin, des Hindous, ex-soldats Anglais (Freies Indien), faits prisonniers en Afrique et servant maintenant dans l’armée allemande. Cette troupe sera la terreur des communes traversées. Ils n’ont dans la bouche qu’un mot, « Partisans ». De plus pour fuir plus vite ils réquisitionnent, volent et même violent. 1l n’est pas recommandé de sortir en vélos. Ils seraient pris d’office et il n’y aurait pas intérêt à résister. Dans l’après-midi, la mairie aura à faire à eux.

Le vendredi 25 août vers 14 heures de l’après-midi deux officiers et un interprète de troupes hindoues Allemandes venant de la direction de Bordeaux se présentaient à la mairie et réclamaient au maire monsieur de Clermont-Tonnerre, pour 18 heures 3 charrettes attelées d’un cheval et conduites par un homme pour transporter des bagages vers Poitiers. Le maire ayant demandé un ordre de réquisition écrit et ayant fait remarquer qu’à cette heure tous les cultivateurs travaillaient dans les champs et que les voitures ne pourraient pas être amenées à l’heure il fut menacé d’être emmené à Poitiers si les charrettes n’étaient pas rassemblées à 19 heures. L’interprète revint à 18 h 15 et menaça de nouveau le maire d’être emmené et fusillé si l’ordre n’était pas exécuté. Pendant ce temps les troupes tiraient par intermittence à la mitrailleuse sur quelques maisons sans atteindre les habitants. Les voitures ayant été rassemblées entre 19 heures et 19 heures 15, avant de partir un officier dit aux conducteurs qu’il regrettait de n’avoir pas flanqué une balle dans la peau du maire. Les conducteurs et leurs voitures furent libérés à Ruffigny.

Les événements dramatiques du 26 et du 27 août.

Laissons la parole, tout d’abord, à monsieur Gautreau, premier adjoint : « Le samedi 26 août vers 13 heures 30 des troupes Hindoues Allemandes stationnent dans Vivonne. Trois soldats venant de la direction de Bordeaux à bicyclette s’arrêtaient dans la grand-rue devant une maison et exténuaient jetèrent leurs machines le long du trottoir. Le pneu de l’une éclata. Ce fut le signal de l’affolement des soldats qui, tout en criant, se mirent à tirer au fusil et à la mitraillette dans les rues et à jeter des grenades dans les caves. Je sortais .de chez moi et leur montrant le pneu éclaté je cherchais à leur expliquer que personne n’avait tiré sur eux, mais ils me visèrent à la mitraillette et je dus mon salut à ma course derrière un bloc de maisons. Il n’y eut heureusement aucune victime. Quand le calme fut rétabli un officier accompagna des gradés et des soldats armés de mitraillettes, de revolvers et de grenades et se présenta sur les lieux de l’incident et dit qu’il allait faire mettre le feu à plusieurs maisons, un coup de feu ayant été tiré de l’une d’elles. Le curé doyen sortait à ce moment du presbytère situé de l’autre côté de la rue. Il se présenta à l’officier Allemand et lui donna sa parole d’honneur que personne n’avait tiré, la maison en question n’étant habité que par deux femmes. L’officier voulut perquisitionner dans cette maison en compagnie du curé et en sortant il lui dit que lui aussi était catholique et qu’étant donné la parole d’honneur du curé il considérait que l’incident était clos et qu’il se retirait avec sa troupe. »

J’ai assisté au début de cette action. En effet, en ce début d’après-midi, je m’apprêtais à embaucher. Il faisait chaud et les volets de la bourrellerie paternelle étaient tirés. Par curiosité je sortis sur le trottoir pour observer la situation du bourg. Louis Ferry, le voisin le plus proche faisait de même. Quand nous vîmes venir de la rue de la mairie deux Hindous enturbannés, l’uniforme couleur sable, poussant un vélo dont la roue avant présentait une hernie colossale qui frottait à chaque tour de roue à la fourche. L’un de nous s’exclama : « Ceux-là n’iront pas loin avec leur vélo! ». Effectivement, en arrivant devant la cure un d’entre eux donne un coup de pied dans la hernie qui, forcément, éclate. Alors les deux hommes s’affolent, jettent leur vélo, enlèvent le cran de sûreté de leur fusil, se replient dans l’entrée de la cour de 14 Croix Blanche et se mettent à tirer en direction des maisons.

Je me suis replié dans le fond de la maison dont la cour est mitoyenne à celle de monsieur Bordier, visée par les soldats. J’entends les soldats dans la cour, des grenades explosent. Avec mes parents nous nous demandions ce que nous allions devenir. Les rues étaient tenues sous la menace des armes par un nombre considérable d’Hindous. Notre voisin, dont la femme tenait un salon de coiffure, est rentré précipitamment chez lui et, après avoir refermé la porte, a regardé par dessus le rideau. Une balle a alors traversé l’imposte juste au-dessus de lui. Nous avons eu de la chance que l’incident se termine ainsi.

La résistance

Ce que nous ne savions pas à ce moment-là- c’est qu’une partie de ces troupes avait été attaquée dans la matinée par le maquis avant Ruffigny. Le 27 une voiture F.F.I., venant de la direction de Poitiers, remonte un convoi allemand. Arrivé au dernier des camions elle tire sur celui-ci et s’enfuit en direction de Vivonne, sort de la R.N. 10 par le chemin de terre qui arrive devant la ferme du Treuil, tourné sur Marçay, puis emprunte le chemin de Goupillon et part dans les bois où elle disparaît.

Une dame de Vivonne qui a trouvé refuge dans cette ferme se charge de faire disparaître les traces de la voiture. Les Allemands qui se sont lancés sur la trace des fuyards, arrivent au Treuil, arrêtent toutes les personnes circulant sur la route, les gardent sous la menace des armes. Ils tournent sur Marçay, puis empruntent le chemin de Goupillon, questionnent les personnes présentes qui déclarent n’avoir rien vu. Ils prennent alors deux jeunes hommes de la ferme et le domestique pour les questionner. Ils emmènent ainsi l’un d’entre eux et le placent le long d’un mur. Ils forment un peloton d’exécution et, sous cette menace terrible, ils demandent au jeune s’il a vu le maquisard.

A sa réponse négative ils tirent en l’air, puis cachant le premier ils vont chercher le second qui a entendu les coups de feu et s’attend à une mort certaine. Il subit la même mise scène. Il aura la vie sauve malgré sa réponse négative. Pendant ce temps la personne qui avait effacé les traces de la voiture et qui n’était pas employée à la ferme est conduite à la kommandantur est questionnée. Elle, aussi, fut heureusement relâchée. Les habitants de cette ferme ont été marqués à vie

Début septembre 1944. La libération et la formation d'un groupe F.F.I.

 Début septembre arrive. Nous ne pavoisons pas encore. Cependant le 4, deux F.F.I. en moto arrivent de Ruffec et nous informent qu’il n’y a plus de troupes allemandes dans la région. Ils demandent un drapeau français qu’ils se chargent aussitôt d’aller attacher à la croix qui se trouve en haut de la façade de l’église en passant par un vasistas de la toiture, puis ils repartent en direction de Poitiers. Toutefois, parce que nous avions appris que, dans certaines communes, après avoir pavoisé, des Allemands étaient arrivés et avaient sévi, nous sommes toujours inquiets. Ce n’est qu’en fin de soirée que nous sommes soulagés avec l’arrivée d’un important groupe de F.F.I. qui vient cantonner à Vivonne dans les baraquements. Parmi eux il y avait quelques figures connues des Vivonnois.

Le lendemain des règlements de compte se déroulent. Des jeunes femmes sont tondues pour avoir fréquenté assidûment les soldats Allemands, d’autres pour avoir seulement travaillé à l’entretien des bureaux et des locaux occupés par les ennemis. Cependant, en aucun cas elles n’avaient porté atteinte à la sécurité des Vivonnois.

Dans les jours suivants un groupe de volontaires désirant poursuivre la guerre avec les troupes alliées se forme. Ce sont 50 hommes dont 25 Vivonnois qui rejoignent, selon les ordres donnés, le maquis de Scévolles qui leur distribue les armes. Après un séjour d’une semaine à Loudun où ils se familiarisent avec les fusils, les grenades et les mitraillettes, encadrés par d’anciens militaires d’active et des jeunes en possession de leur brevet militaire ils sont dirigés, à leur grand regret, en direction de Saint-Nazaire, où ils forment avec tous les groupes F.F.I. de la Vienne, les avant-postes de la poche sud de Saint-Nazaire. Ce groupe avait pour marraine Madame Arnoux, une vivonnoise bien connue.

 

Le groupe Arnoux à St Nazaire

Après son arrivée à Port Saint-Père, le 27 septembre, le groupe se dirige su Briord pour garder l’été-major. Nous choisisons alors, pour la majorité d’entre nous, un engagement jusqu’à la fin de la guerre. Avec les éléments du maquis de Scévolles, le groupe Arnoux forme le sixième bataillon du 125ième régiment d’infnaterie dont il devient la compagnie Etat-major.

Outre les tâches de garde, d’intendance et d’administration, les effectifs scindés en plusieurs sections, montent en ligne ou effectuent des patrouilles, le plus souvent en renfort d’unités voisines. Ils prennent part aux engagements de La Sicaudaie, de la Brosse, du Moulin 40, des Champs Neufs… le 20 décembre la compagnie prend ses cantonnements à Rouans puis à Vue. Elle reçoit du matériel lourd et devient compagnie de soutien. Les engagements se poursuivent jusqu’au 1er mars 1945, date à laquelle la compagnie est dissoute et ses éléments envoyés vers de nouvelles unités en fonction de l’arme choisie. Le groupe Arnoux n’existe plus mais la guerre va se poursuivre jusqu’au 8 mai 1945, date de la capitulation allemande « .

Extrait du discours de Jacques MELIN, membre du groupe à la mairie de Rouans, le 16 septembre 1984, pour la quarantième anniversaire. C’est à l’occasion de ce voyage que le membre du Groupe décide de créer une amicale.

groupe Arnoux inauguration de la stèle des 2 Anglais