L’affaire de la malle de Vivonne

L’affaire de la malle de Vivonne

       Si l’histoire locale de Vivonne a toujours été d’une richesse extraordinaire, en laissant souvent les méandres de ses anecdotes rejoindre les flots plus majestueux de l’Histoire de France, la création et l’apparition de la « malle » dans notre cité demeure encore de nos jours un mystère pour beaucoup.

Malle XVIII°

C’est donc ici l’occasion, enfin, de mettre à l’honneur et au rang qu’il mérite le nom de la famille Malletier, qui se trouve à l’origine historique de la fabrication de la « malle ».

        A ce propos, « les Rôles de la taille de Paris », sous Philippe le Bel, comprennent aux côtés de noms de baptême un grand nombre de noms de métiers. C’est ainsi que l’onomastique, qui étudie l’origine des noms propres, explique beaucoup de patronymes par les noms de métiers et qu’en particulier la famille Malletier tire son nom de son activité professionnelle. On distinguait à ce propos les « malletiers » qui fabriquaient des malles, des « malloteurs » qui, eux, étaient fabricants de « valises » ou de « petites malles ».

Poignée fer forgé XVIII°

L’étymologie du mot « malle » date en fait du XIème siècle et définit cet objet comme étant « un coffre en bois et en cuir, destiné au transport de marchandises, en particulier ». C’est au XIIème siècle que le fabricant de malles prend le nom de malletier.

        A cette époque, à « Vivône », les dits Maltier et Malletier tenaient des ateliers de bouchers rue des bans et ont été à l’origine d’un chef-d’œuvre corporatiste et particulier se présentant sous la forme « d’un sac fermé, en cuir de bœuf et bois, destiné au transport de la viande » : la malle était née !…

        Un extrait du « Vieux Coustumier et Organisation du travail en Poitou au XIème siècle » nous apprend, par ailleurs, que les sieurs Maltier et Malletier appartenaient en fait à la même famille, pour laquelle la différence d’orthographe des deux patronymes s’explique par une erreur de transcription lors de l’enregistrement des baptêmes.

         Il faut savoir par ailleurs que pendant toute la période médiévale et moderne, la « coutume » est la principale source du droit dans l’ensemble du royaume de France, la « coutume » se définissant comme un « droit non écrit » introduit par les « usages », et naît de la « pratique d’actes, répétée et reconnue par les membres d’une même communauté sur un territoire, pendant un délai suffisamment long pour en fixer le contenu et emporter la conviction de sa force obligatoire ».

         Cette longue période de transmission orale des coutumes explique le silence qui s’installe durant plusieurs siècles quant à la pratique professionnelle des malletiers et ce n’est apparemment qu’à travers une action de justice écrite que l’on retrouve la trace historique de nos deux bouchers Maltier et Malletier, condamnés pour avoir exercé deux métiers incompatibles avec l’exigence des nouvelles règles

Manuscrit du"vieux coustumier du Poictou" Bibliothèque de Niort

         Nous apprenons ainsi qu’à la fin du XVIème siècle, dans la paroisse Saint-Georges de Vivonne, au sud de Poitiers, un menuisier-charpentier prend l’initiative de fabriquer des malles, destinées aux voyageurs fortunés de la région. La dénomination de son métier, « malletier » sera donc à l’origine de son patronyme, Maltier, dont l’orthographe varie dans la mesure où nom et métier s’écrivent alors indifféremment « Maltier », « Malletier » ou « Mallettier ».

         Cela explique également que l’on retrouve sur les registres paroissiaux des baptêmes, mariages et décès de Vivonne, dans les années 1610/1620, une certaine Marie Malletier au côté d’une dénommée Françoise Maltier. 

Peu à peu, patronyme et dénomination de métier se mêlent et notamment au sein de cette famille vivonnoise, qu’il s’agisse de Daniel, Pierre, Joseph (Saint-patron des charpentiers) ou Jean (patron des malletiers). On ne parle plus alors que de « Maltier le malletier ». L’entreprise prospère et sous la direction de Daniel, puis de Pierre, Joseph et Jean, la maison Maltier fournit à l’aristocratie locale des malles de qualité.

      Dans la Vienne, en particulier, la dynastie des Maltier est déjà bien établie. A l’occasion du mariage de Louis Maltier, le 17 avril 1668, la famille installe un nouvel atelier à Cissé, à quelques lieues au nord-est de Poitiers.

     

Malle XIX°
Intèrieur malle bois XVIII°

       « Nous allons réécrire une histoire qui a commencé au milieu du XVIème siècle. Nous souhaitons devenir la nouvelle référence française de la malle, cet objet nomade qui revient à la mode chez les gens fortunés. Notre produit va créer l’émerveillement et susciter la surprise ! » précise l’enthousiasme économique de Benoît Maltier et son associé, prouvant ainsi le dynamisme éternel de la fabrication de ces malles, dont l’acte de baptême porte le nom de Vivonne en lettres capitales…

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       Ce texte rédigé par Joël Debelle a soutenu les recherches effectuées par Chantal Quéron.


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