Justice et livre de recettes : seigneurie de Vivonne 1489

Justice et livre de recettes : seigneurie de Vivonne 1489

Les archives départementales conservent un document de première importance pour connaître  l’histoire  de Vivonne à la fin du Moyen Âge, c’est le livre de recettes de la seigneurie de Vivonne.[1]

Un sauvetage

Ces archives furent sauvées, par un heureux hasard, par le curé de Château-Larcher, l’abbé Bénoni Drochon en 1872. Passionné d’histoire il eut le regard attiré, chez l’épicier du village, par les feuillets que ce dernier utilisait pour emballer ses produits. Habitué à déchiffrer les textes médiévaux il reconnut  à l’écriture, l’ancienneté de ces textes. Il les récupéra et présenta sa découverte à la Société des Antiquaires de l’Ouest sous le titre  » Extraits du papier terrier de Vivonne »

Exemple de manuscrit de l'époque

Ce livre de recettes ou papier terrier contient une grande partie des rentes levées sur les terres de la seigneurie de Vivonne et donc permet de se faire, à la fois, une bonne idée de son étendue et des taxes levées sur ces mêmes terres. Il offre également la possibilité de connaître les banalités[3] imposées aux habitants et d’approcher la réalité d’un métier juré , celui de boucher. 

La châtellenie de Vivonne, un territoire, des droits  

La châtellenie de Vivonne, le territoire sur lequel le pouvoir de commandement, police et justice (le ban) est sous l’autorité en 1489 de la Dame de Vivonne, Marguerite d’Amboise[2], épouse en seconde noce de Jean II de Rochechouart-Mortemart décédé le 30 mars 1477 et dont elle avait eu neuf enfants.Elle avait épousé en premières noces Jean Crespin, seigneur du Bec Crespin. Elle était la quinzième enfant de Pierre d’Amboise, seigneur de Chaumont, mort en 1473 et d’Anne de Bueil qui s’étaient mariés en 1428 et qui ont eu 17 enfants, 9 garçons et 8 filles.

Le terrier permet d’approcher la réalité d’une seigneurie à la fin du moyen-âge:

président, greffier,

avocats

Dans cette première étude nous allons nous intéresser à la justice seigneuriale  à travers deux textes :

La juridiction et le profit du greffe des grandes assises de Vivonne :

Traduction : Lors la jurisdicion de Vivonne, Gereigné , Marçay, Bellefontaine , Glavières, La Rouffinière, lèsqnels maddame a toute jurisdicion , liauitc , moyenne et basse , et tout ce qui en deppend , et seaulx aux contracts en lad. ville, fors en la Rouflinière, en laquelle elle n’a que basse jurisdicion, et sortent les appellations du juge prévostal de Vivonne par devant le séneschal dud. lieu de Vivonne et les appellations du d. séneschal devant le séneschal de Celle  L ’Evesquault ou ès grans assises royaux, ou plus prouche siège réal ; eti Gereigné, Marçay, Bellefontaine les appellations sortent à Poictiers, comme dessus. Est affermé à Guillaume Verdoys,

 

Le premier texte nous montre l’étendue de la juridiction de Vivonne sur laquelle la dame de Vivonne rendait la justice à savoir, Vivonne, Cercigné, Marçay, Bellefontaine, Clavières, La Rouffinière, un territoire situé au nord, au sud et au sud-est de Vivonne

La Dame de Vivonne y avait droit « de haute, moyenne et basse justice et tout ce qui en déppend et seaulx aux contrats en la dite ville, sauf en la Rouffinière, lieu détruit près d’Ecrouzilles ancien fief réuni à celui de Château-Larcher.» Elle peut donc punir de peine allant jusqu’à la pendaison les paysans coupables de certains délits. Ainsi s’élevait sur le territoire de la seigneurie un gibet appelé « fourches patibulaires ». On lit, en effet,  dans ce même Livre de recettes « Feu messire Aimery avait construit et bâti des fourches patibulaires à 3 pieds en et à cause de sa justice de Vivonne ».

La lecture du cadastre napoléonien permet d’avancer un lieu d’implantation de ces fourches:la parcelle, appelée « L’échaffaud » située près du village de Choué au sud de Vivonne et à proximité de la route Paris-Bordeaux. Ce qui renforce cette proposition de localisation c’est que le gibet, « les fourches patibulaires » ou l’échaffaud devait s’élever à l’entrée de la seigneurie et être visible par tous les chemineaux, cavaliers, rouliers  pour rappeler l’autorité seigneuriale et sa puissance de « haute justice ».

L’organisation de la justice seigneuriale :  la châtellenie de Vivonne :

La dame de Vivonne n’exerce pas directement cette juridiction. Elle afferme les principales responsabilités de justice de sa cour seigneuriale. Ainsi, en 1489 elle était affermée pour 68 livres à Guillaume Verdoys.On le découvre à la lecture de cet affermage. Ainsi, le chef de la justice, au nom de Marguerite d’Amboise est le sénéchal. Il avait sous son autorité le juge prévostal, officier de justice subalterne jugeant des affaires ne relevant pas du sénéchal. Le prévôt présidait, chaque semaine, « la petite assise » pour instruire les affaires courantes (vol, querelles de voisinage, injures…. Saisi d’une plainte le juge mène une enquête et interroge les témoins.Les conclusions de l’enquête sont rendues publiques et le juge rend enfin la sentence[4]

Le sénéchal tenait des assises régulières. Les appels étaient formulés soit auprès de sénéchal de Celle-Lesvescault (une partie de la seigneurie dépendait du pouvoir de l’évêque de Poitiers), soit à Poitiers, siège réal », notamment pour Cercigné, Marçay, Belle fontaine.

Un autre texte vient compléter la compréhension de l’organisation de la justice seigneuriale, c’est celui de l’affermage du « Prouffit du greffe des grandes assises de Vivonne » :

 Le prouffit du greffe des grans assises de Vivonne et aussi le prouffit du greffe des assises de Cercigné , Marçav, Bcllefontaine et Clavières est affermé à Françoys Cornilleau , douze livres ; avecques ce doit led. Cornilleau rendre à maddame les papiers des jurisdicions susd., au bout de l’an, en papier bien escriptz et bien mys au net, et aussi doit bailler les rolles et taixes au prévost en parchemin, par tous les quatre carierons de l’an, pourveu que led. prévost luy doit payer le parchemin ; et aussi doit led. Cornilleau favre les informations du procureur, si aucuns en faillent fayre, à ses deppens et en est obligé entre les mains de maislro Anthoine Cousin et autre notaire, ainsi qu’il appert par prothccolle , que a led. Cousin par devant luy. 

Le sénéchal confie la rédaction des actes de justice au greffier .On apprend par ce texte qu’il doit apporter beaucoup de soin à son travail et et doit « bailler », c’est à dire apporter, transmettre les « rolles », les rouleaux de parchemins ou registres sur lesquels sont portées par ordre chronologique les affaires soumises au tribunal

De procéder en crimes doffices de justice et aultrement

L’affermage de ce profit revient à Françoys Cornilleau pour la somme de 12 livres. Ce dernier doit s’assurer d’informer le procureur et les mettre entre les mains du notaire, Maistre Cousin et autre notaire. Deux nouveaux personnages apparaissent ici, le procureur qui revendique  les droits du seigneur et le notaire attaché à la justice seigneuriale et chargé d’apposer « le sceau aux contracts » de la juridiction. Les notaires établissent les contrats et en garantissent l’authenticité.

Jean-Pierre Chabanne.

[1]EN 601 : 1306-1607 : Livre de recettes de Vivonne

EN 602  Livre de recettes de Cercigny, Vivonne

[2]Geneviève SOUCHAL, Le mécénat de la famille d’Amboise, B.S.A.O.1ère partie-3e trimestre 1976-4°sérieT XIII, p.485-526 ;2ème partie, -4e trimestre 1976-4°sérieT XIII. p. 567-612.

[3]Banalités : redevances exigées au seigneur pour l’utilisation des instruments ou bâtiments ne relavant que de lui : fours, moulins, pressoirs)

[4]Marie-Pierre BAUDRY-PARTHENAY, La société en Poitou au Moyen-âge à travers le Vieux coustumier de Poitou, association Atemporelle, 40 p.2004 ; imprimerie Oudin, Poitiers.

 

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