1944 :Le dénouement

1944 :Le dénouement

Une guerre de plus en plus présente : aviation alliée et actions de la résistance

La guerre continue. Les avions anglais viennent de plus en plus souvent au -dessus de notre région, même le jour. C’est ainsi qu’un après-midi je vis passer deux avions qui se suivaient et j’ai entendu une rafale de mitraillette et quelques instants après j’ai eu la surprise d’entendre un bruit métallique dans la rue face à l’hôtel de la Croix Blanche : c’était une douille de balle de mitrailleuse. Je la ramasse discrètement ( je pris soin de m’assurer qu’il n’y avait point de soldat). C’était une douille anglaise d’un assez gros calibre ( la grosseur d’une pouce environ) et de 10 centimètres de long environ. Malheureusement je n’ai pas pu la garder mes parents m’obligeant de la jeter de suite aux ordures. 11 est vrai qu’il était dangereux de posséder une telle relique, surtout que deux soldats Allemands occupaient la maison.

Les aléas de la garde de la voie. 

Les F.F.I. se montrent de plus en plus audacieux. Ils s’attaquent maintenant aux voies ferrées dont il va falloir assurer la garde en ce début d’avril. Chaque homme de garde reçut un ordre de mission précisant la date, l’heure et le point kilométrique où il devait se trouver. Nous avions un kilomètre de voie à surveiller de nuit de 20 heures à 7 heures du matin, avec comme seule défense un gourdin et décidés, face aux éventuels agresseurs, de continuer à rester passifs. Bien souvent, ils se sont laissés ligoter et mettre à l’abri par les maquisards en attendant, après le sabotage, l’arrivée des patrouilles allemandes.

 Dans notre secteur nous n’avons pas eu de problèmes, peut-être à cause de la proximité de Vivonne où était installé un important contingent de troupes allemandes. Les consignes, mêmes sévères, ne seront pas appliquées à la lettre. Les consignes étaient difficilement applicables la nuit sans lampe électrique. Nous faisions une reconnaissance du secteur pour prendre contact avec les autres gardes, nous discutions ensemble.

La relève de la garde au champ de foire

 

 Certains, s’il y avait à proximité une cabane, s’y reposaient et allumaient un feu lors des nuits froides. J’ai connu deux jeunes, qui après avoir fait la reconnaissance de leur secteur entre le pont de Jorigny et le pont de Roulecul se sont postés au milieu du secteur, sous l’abri de la maisonnette de Jorigny et reposés dans les brouettes du garde-barrière, reprenant la garde à la venue d’une patrouille. Après une nuit de garde sans sommeil il nous est arrivé qu’à 7 heures la relève ne soit pas rendue. Après une demi-heure d’attente nous avons abandonné le poste et rentré à la maison pour reprendre le travail. La patrouille allemande découvrant l’absence fit avertir la mairie par le chef des gardes de voies et de communications. Le maire, monsieur de Clermont-Tonnerre fit tout son possible pour nous éviter de passer devant le tribunal allemand. Nous en fimes quitte, avec les retardataires (ils s’étaient trompés de jour; nous aurions pu attendre longtemps) pour une nouvelle garde. La lecture de la circulaire du 23 mai 1944, que nous ne connaissions pas à ce moment-là, nous montre que nous étions passibles du tribunal militaire allemand.

 

Les bombardements alliés et le renforcement de la garde de la voie. 

La situation s’aggrave pour les occupants. Presque chaque jour les avions anglais (des mosquitos) attaquent les trains, mitraillent machines et wagons de troupes qui remontent vers Paris pour être dirigés vers la Normandie. Aussi la feldkommandantur 677 (Poitiers) ordonne de couper, sur une centaine de mètres de chaque côté de la voie ferrée Vivonne-Port de Piles, tous les buissons et haies. Cette ordonnance pourrait permettre de tenir à distance de la voie les maquis dans leur attaque des convois, mais pour les avions la cible n’en est que plus facile à atteindre. Pour cette raison cette nouvelle corvée ne sera pas retardée dans son exécution. Cependant, comme c’est la période des moissons et qu’il faut * beaucoup d’hommes ( la voie de chemin de fer traverse la commune de Vivonne sur 11 kilomètres), la mairie se trouve dans l’impossibilité de proposer le même jour le nombre d’hommes suffisant pour effectuer le travail. Les télégrammes ci-joints nous apprennent le nombre que devaient fournir, en complément, les communes environnantes. Marigny devaient 30 hommes, Celles Levescault 100, Marnay 75,. Cloué 30, Château-Larcher 75, Coulombiers 60. et Marçay 25.

Les hommes disponibles ont commencé le travail dès le 7 juillet. Vivonne était divisé en équipe par quartier. Saint-Aubin, la rue de la Mairie et le bas de la grand-rue ont la charge du secteur de Jorigny bas : la grand-me du pont de la plage (Clain) au pont de chemin de fer de Jorigny, la rue de la mairie et saint-Aubin, de ce dernier pont au passage à niveau de Jorigny bas, du côté de Vivonne, les hommes de Jorigny s’occupant de l’autre côté de la ligne. A cette époque les tronçonneuses n’existent pas, chacun estvenu soit avec une scie, une serpe, une hache ou une cognée. C’était un véritable travail de bûcheron : il fallait couper, faire brûler, mettre en corde et faire les fagots, celai en plein été de 8 heures à 12 heures et de 13 heures 30 à 18 heures. Heureusement avec la participation de tous nous avions de quoi nous désaltérer auprès de la maison Fromager père.

Dans l’espace de quelques jours (les arbres n’étaient pas nombreux) on termina le secteur. Aussi le dernier soir, comme on avait terminé avant l’heure de la débauche et que nous devions pas le quitter avant l’heure sous peine d’être requis par les Allemands, nous sommes allés à la rencontre de ceux de Saint-Aubin et de la rue de la mairie. Ils avaient eux aussi fini leur travail et discutaient en attendant l’heure.

Nous étions à la hauteur de l’actuelle maison Bazureault quand survint un train de troupes allemandes avec du matériel, camions, canons … sur des plates-formes des pièces de défense antiaérienne. Un blagueur de notre équipe, monsieur Dousselin eut l’idée de montrer le ciel comme si un avion arrivait aussitôt. A notre grande joie les Allemands lèvent la tête et mettent les mitrailleuses en position. Ils venaient de se laisser prendre par la blague, mais.. le convoi avait-il juste franchi la gare qu’il fut attaqué par un avion anglais qui le mitrailla. Il se réfugia sous le tunnel des Bachers. Malheureusement les hommes de la commune et surtout ceux d’Iteuil eurent des difficultés pour prouver qu’ils n’étaient pas des maquisards. Certains furent menacés et ne durent leur salut qu’au chef des gardes-voies Allemands (à cette époque c’était des prisonniers russes dont le chef parlait le français et connaissait quelques uns d’entre nous. D’ailleurs ces soldats Russes sont quelques jours passés au maquis. Nous avons retrouvé ce chef sur la poche sud de Saint-Nazaire où il a été tué en participant, avec les Français, aux opérations contre les Allemands. Les Allemands réquisitionnèrent des hommes, également, pour creuser, le long de la N.10 des trous afin de permettre aux hommes des convois attaqués par l’aviation, de s’y abriter. Je n’ai pas participé à ce travail qui n’a duré que quelques jours. Les équipes se composaient de 2 hommes, un piocheur et un pelleteur et, parfois; après le passage d’un Allemand, ce dernier rebouchait le trou!